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«Mes vies parallèles»
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Présentation
Naître ou ne pas naître, telle est l’unique question. Certains trépignent dans la coulisse, avides de couper le cordon, de bondir en scène, d’y camper un personnage, d’autres se demandent bien pourquoi, pourquoi on devrait s’arracher au farniente amniotique, encoconnés qu’ils sont dans le ventre maternel comme au cœur d’un doux hamac. Tel est notre anti-héros, le futur Charles Dubois, qui déplore plus que tout qu’il y ait une fin à la délectable somnolence fœtale. Une nostalgie patente dès"son expulsion vers le monde"où il offre l’apparence non pas d’un baby démangé de vitalité, mais d’un"tas de gelée", un avorton amorphe qui, dès l’origine, fait tache dans une famille vouée au culte de l’effort et de la responsabilité. Tôt orphelin d’un général de père tué dans une accident de friteuse, pris dans l’impitoyable étau formé par une mère anxieuse et le volontarisme crispant d’une sœur musicienne, il est d’abord confié à la gutturale férule de Margrit l’Autrichienne qui échoue à viriliser ce garçonnet. Maillon mou de la chaîne sociale, il consterne comme il respire et sa scolarité s’avère un chemin de croix ponctué d’humiliations carnavalesques et de naufrages sentimentaux. Néanmoins, stratégie secrète et soupape mentale, Charles s’en sort en cultivant l’art des univers parallèles, se téléportant dans des mondes imaginaires qui assouvissent ses désirs fondamentaux : s’abstraire et se distraire. Marathonien de l’inappétence grandiose, oisif de droit divin, mais tenu d’assumer des rôles factices, on l’accompagnera néanmoins à l’université, à l’armée, d’emplois précaires en vocations passagères, seul, en famille ou soumis au parasitage inévitable d’un collègue. À tous, il n’oppose que sa flottaison molle dans un océan de lymphe. Frère des Bartleby ou des Oblomov, Charles Dubois, lecteur de Pessoa qui lui apprend"la dissidence envers la vie", incarne au mieux cette sentence d’Henri Michaux :"Ne faites pas les fiers. Respirer, c’est déjà être consentant". Le miracle est que, de cette vie monologuée avec une minutie distanciée, se dégagent un humour colossal et une mélancolie bouleversante.
La vie de Charles Dubois commence mal, déjà dans le ventre de sa mère le médecin disait de lui qu'il était avachi. Sa passion, ne rien faire, en tous cas le moins possible et fuir la réalité pour s'inventer une vie parallèle dans laquelle il serait quelqu'un d'autre. Nous suivons les aventures de cet Oblomov moderne, sa nonchalance, ce je m'enfoutisme assumé, presque comme une revendication existentielle.
On rit beaucoup, le style de ce premier roman est virtuose, à découvrir d'urgence!