Au royaume de Nulle part
Journal de voyage posthume publié deux ans après la mort de son auteur, Smara est le récit halluciné d’une traversée de l’Ouest saharien vers la cité oubliée de Smara. Michel Vieuchange, jeune aventurier, amoureux de géographie, rêvant d’un grand destin, se lance dans un périlleux raid à travers le désert marocain quasi inexploité et non pacifié en 1930. Du 10 septembre au 16 novembre 1930, il parcourt 1400 km à pieds de Tiznit à Smara à travers un territoire totalement interdit aux étrangers. Déguisé en femme berbère, Michel Vieuchange se lance à l’aveugle dans ce pari fou, insensé. Ne parlant ni l’arabe, ni le berbère, accompagné de guides peu fiables, fourbes et intrigants, il va subir un véritable calvaire. Rien ou presque rien ne lui sera épargné : chaleur accablante, pistes incertaines, nuits glaciales, campements précaires, poux, nourriture avariée, manque de sommeil. Un chemin de croix éprouvant et décevant, Smara s’offrira à lui que pour quelques heures. Bravant la mort qui le tiraille sur le chemin du retour, il ne pourra lui résister plus longtemps. Il meurt quelques jours après à l’âge de 26 ans à l’hôpital militaire d’Agadir.
De ce tragique voyage vers la mort, il nous reste ses carnets de route, témoignage poignant et émouvant. Des notes tracées à la hâte, sur le vif entre deux campements, où avec beaucoup de réalisme il nous relate ses mésaventures, ses désillusions, ses peurs, ses souffrances tant physiques que psychiques. Un homme perdu, seul face à l’immensité du désert.
Smara est à la fois le récit poignant d’une tragédie humaine mais aussi le récit d’une aventure mystique. Dans sa préface pour l’édition anglaise, Paul Bowles nous résume parfaitement en quelques mots ce qu’a été « l’aventure Smarienne » de Michel Vieuchange : « Smara : un pèlerinage monstrueux au royaume de Nulle part ».